La femme dans le rôle principal

Après son retour des Pays-Bas et son bref séjour à Ostende chez Constant Permeke, les courbes gracieuse de la Lys ont attiré Frits Van den Berghe à Bachte-Maria-Leerne et Afsnee. Après les tumultueuses années de guerre, une période de soulagement est venue pour l’artiste. Il est en contact étroit avec des intellectuels tels qu'André De Ridder et Paul Gustave Van Hecke, promoteurs du nouvel art expressionniste, et il a participé à la fondation du magazine d'art Sélection en 1920.

Influencé par la tendance fauviste et cubiste, Van den Berghe apporte une combinaison solide d'éléments expressionnistes et surréalistes. Emile Langui a décrit ses œuvres de cette période comme: « Une riche variété de coloris. Les gammes sombres de terre, de noix, de vert bronze et de bleu indigo des époques hollandaise et ostendaise sont totalement abandonnées et cèdent la place à d'autres harmonies claires dans lesquelles des nouvelles couleurs telles que le blanc, le rose, le vermillon et le dangereux violet chantent. »

Entre 1924 et 1926, Van den Berghe a conçu plusieurs séries en technique mixte combinant la gouache, l’aquarelle et le crayon, dont le cycle « La Femme » et des séries inachevées comme « La Kermesse » et « La vie rurale ». Ces séries étaient de grande importance dans l’œuvre de Van den Berghe : elles lui permettaient de laisser libre cours à son humour, à ses qualités satiriques et à son talent pour la caractérisation incisive.

La gouache « Le valet de cœur » fait partie du cycle centré autour du thème féminin. De manière ludique, Van den Berghe aborde la relation entre l’homme et la femme. Le résultat est un dessin caricatural et pointu dévoilant des nuances humoristiques parfois amères et moralisatrices. Depuis la Renaissance, le valet de cœur symbolise l'amour et la passion juvéniles. Il suit son cœur et se lance dans l'aventure. Mais dans la composition de Frits Van den Berghe, il est en terrain inconnu. Il regarde la scène qui se déroule sous lui de manière perdue et avec de grands yeux. Rêve-t-il ? Les corps nus, un enchevêtrement de bras et de jambes, sont représentés de manière vague - contrairement au costume du monsieur. Les symboles des cartes à jouer tourbillonnent autour de lui.

Grâce à sa composition sculpturale et rigide, cette œuvre respirent le modernisme. L'intérêt de l'artiste pour le surréalisme est déjà perceptible dans l'atmosphère expressionniste et hallucinatoire de cette série. Le rêve et l’imagination entrent peu à peu dans son œuvre et, à partir de 1926, cela aboutira à une rupture radicale avec la réalité.