Une rencontre improbable

« Le rendez-vous d'Ephèse » est un dessin à l'aquarelle magistralement exécuté et entièrement élaboré, qui a précédé le grand tableau faisant partie de la collection du musée Paul Delvaux. La scène se dévoile devant nos yeux comme un échantillon de l'œuvre onirique de l'artiste. Elle contient tous les éléments clés qui forment l'essence de son art extraordinaire. Delvaux a réussi à développer son propre langage visuel, tout à fait unique et immédiatement reconnaissable.

Au centre du premier plan, un nu allongé sert de point focal de la composition. Regardant dans le vide d’un air rêveur, elle détermine la perspective avec laquelle nous, en tant que spectateurs, enregistrons les autres éléments représentés. Elle est flanquée d'un groupe de personnages et d'une draperie qui introduit la scène. Des lignes zigzagantes révèlent un homme étrange errant, un tramway et un escalier ascendant surmonté d’un majestueux sanctuaire. Le paysage se déploie dans les collines et disparaît dans la nuit au clair de lune.

Delvaux nous emmène pour une promenade nocturne où nous rencontrons différents personnages et éléments interagissant les uns avec les autres de manière particulière. Pour Delvaux, le surréalisme offre une opportunité de s’éloigner de la logique rationnelle qui relie généralement différents éléments. Dans son art, la relation entre objets et personnages prend une nouvelle dimension, tant sur le plan visuel qu'iconographique. Un ancien temple est éclairé par des lampadaires. Un nu à la pose classique entre en dialogue avec une femme en robe Belle Epoque. Les limites du temps et de l'espace sont franchies pour créer une nouvelle histoire originale. Il crée un jeu poétique à la fois intrigant et étrange.

Le décor se situe à Éphèse, sur l’actuelle côte ouest de la Turquie. Ici se trouvait autrefois le temple d'Artémis, considéré comme l'une des sept merveilles du monde antique, étant le plus grand temple de l'Antiquité. Aujourd'hui, seuls quelques fragments témoignent de l'édifice autrefois impressionnant, qui attirait d'innombrables pèlerins et faisait d'Éphèse une ville florissante. Ce sont les ruines de cette grandeur que Delvaux prend comme fondement pour son rêve anachronique.