Chimie Pop en 1968

Roy Lichtenstein

Pop est marrant. Pop est joyeux. Pop est familier. Mais aussi frappant, idiosyncratique et ironique. Pop enlève la distinction entre la culture « haute » et « basse ». Derrière la simplicité des lignes se cache une couche multiple de sens. Lichtenstein s'approprie des formes et des processus de la culture populaire et n’hésite pas à critiquer l'ordre social établi.

Le dessin « Study for Peace through Chemistry » va droit au but. Pas de perspectives et de techniques de peinture compliquées. Des lignes pleines et fermes et des formes stylisées avec des espacements aplatis comme un coloriage. Lichtenstein remplira les versions ultérieures avec des couleurs primaires et des points Ben Day. Le dessin est réalisé dans le cadre de la série « Peace through Chemistry » de 1970, comprenant quatre œuvres graphiques et un relief en bronze, ainsi qu'une peinture à l'huile.

Des contours nets divisent la composition en un triptyque. Des lignes ingénieusement dessinées font basculer chaque volet à un angle de 45° afin que notre regard trébuche d'une partie à l'autre, chacune révélant son propre thème. Le soleil éclatant et la branche feuillue du premier volet représentent le processus naturel de la photosynthèse. Ensuite, une figure stylisée examine quelque chose au microscope. L'analyse mène à la compréhension scientifique qui met en branle les rouages. Le dernier volet montre le résultat sous forme d'un tube à essai fumant. Chaque volet reprend les mêmes formes et procédés de manière de plus en plus stylisée. La branche feuillée transforme en rouage. Les rayons du soleil deviennent des panaches de fumée. L'évolution vers la mécanisation est en marche.

Roy Lichtenstein, "Study for Peace Through Chemistry" (1969) - huile sur toile (Portland Art Museum)

Le dessin aux allures de bande dessinée a une inclinaison futuriste rappelant le style propagandiste des années 1930, diffusé à l'époque pour glorifier l'industrialisation et promouvoir une image positive de l'avenir. L’objectif de Lichtenstein s’avère clair : « La paix par la chimie », un message éducatif indiquant que le progrès scientifique mettrait fin à la guerre. Mais ce privilège de l'éducation et de la connaissance sert à quoi du coup ? Apparemment il mène à la production de masse d'armes chimiques, en tant qu'outil pour parvenir à la paix mondiale. Quel optimisme naïf ! Lichtenstein tape sur l’orgueil occidentale, ceci en 1968, l’époque où les États-Unis sont divisés par la guerre du Vietnam.